Régionales. Retailleau, le cavalier du Puy du Fou remporte la Région [PORTRAIT]
Le chef de file de la droite et du centre, a grandi dans l'ombre de Philippe de Villiers. Avant de s'en affranchir.
Il voulait être préfet. Surtout pas élu. « Mon père, qui était marchand de grains, a été maire de Saint-Malô-du-Bois. Et j'ai été traumatisé par le temps qu'il y passait. Je m'étais promis de ne jamais me présenter ». Bruno Retailleau a presque tenu parole. Car s'il n'a jamais été maire de son petit village de Vendée - qu'il n'a jamais quitté -, il a bien vite cédé aux sirènes de la politique.
« Avec de Villiers, j'ai beaucoup courbé l'échine »
Chez lui, il ne joue plus au basket et n'a même plus le temps d'effleurer le piano du salon. Tout juste court-il encore dans la campagne alentour. Le Vendéen évite de trop parler des siens. Tout juste évoque-t-il son frère, comme lui élevé au Puy du Fou et aujourd'hui directeur au parc Astérix (ils ont également deux sœurs) et prend grand soin de tenir à l'écart sa femme et ses trois enfants, âgés de 19 à 25 ans.
Saint-Malô-du-Bois reste son point d'ancrage. « Les gens qui ont lancé le festival de Poupet, ce sont mes copains. J'ai créé l'école de musique là-bas. J'avais 20 ans. Et j'essaye toujours de ne pas manquer les temps forts de la commune ». Il a aussi contribué à ressusciter une voie ferrée pour faire circuler un antique train à vapeur. « J'ai du passer mon permis de garde-barrière à Bordeaux », ajoute-t-il amusé.
Ce n'est pas son seul diplôme. Sciences éco Nantes puis Sciences Po Paris complètent le CV. Mais c'est à une autre école qu'il doit son parcours. Adieu l'ENA et la préfectorale. A 17 ans, le Puy du Fou l'a déjà recruté comme cavalier. Il y rencontre le maître des lieux, qui le fera prince avant - bien plus tard - de le congédier brutalement. Philippe de Villiers lui confie tour à tour la mise en scène de Cinéscénie, la direction de Radio Alouette puis celle de SciencesCom.
Il le mandate aussi, en 1988, pour aller bouter un opposant hors du conseil général de Vendée. Le « Fou du Puy », comme le surnomment ses détracteurs, l'installe même à l'Assemblée nationale lorsqu'il part siéger au Parlement européen. Il faudra du temps avant que l'idylle ne vire au drame familial. En 2005 d'abord quand le Mouvement pour la France (autre création de Philippe de Villiers) se radicalise.
« Il a tenté une opération de substitution au FN. Je lui en ai parlé, on s'est violemment disputés ». Bis repetita en 2007, « car il ne voulait pas appeler à voter Sarkozy entre les deux tours de la Présidentielle ». L'ultime clash intervient en 2009 quand un entrefilet du Figaro annonce la possible nomination de Bruno Retailleau au secrétariat d'État au Numérique. Menacé sur ses terres, Philippe de Villiers s'interpose. « Avec lui, on ne peut exister qu'à condition d'être son collaborateur. Ça a été une période très, très difficile. J'ai beaucoup courbé l'échine, car pour moi l'objectif c'était de protéger le Puy du Fou. J'y avais mis mes tripes et mon cœur ».
Il devient « le traître ». Il est effacé des photos officielles et même prié de rester à la porte du parc quand le Tour de France y organise son grand départ en 2011. Il est pourtant devenu un an plus tôt président du Conseil général de Vendée qui finance en grande partie l'événement. Aujourd'hui encore, Philippe de Villiers se fait acerbe lorsqu'il évoque son ex-dauphin. « La Région sera pour lui un tremplin éphémère, écrivait-il en janvier dernier. L'ivresse du pouvoir l'emporte loin de ses racines ». Et de conclure, cinglant : « Trahir un jour, trahir toujours ».
À Paris, heureusement, Bruno Retailleau a réussi à s'émanciper de cette tutelle destructrice. Ses qualités de diplomate font merveille au Palais du Luxembourg. En 2014, Jean-Pierre Raffarin et Gérard Larcher, opposés pour la présidence du Sénat, lui suggèrent de présider le groupe des élus UMP (Les Républicains aujourd'hui). « Je n'étais adhérent que depuis deux ans et j'étais face à des poids lourds comme Roger Karoutchi et Gérard Longuet. Moi, j'étais un élu des champs ».
Fillon, Juppé et Sarkozy s'affichent avec lui à La Baule
Voisin de banc avec l'Angevin Christophe Béchu, il teste l'idée. « Il était enthousiaste. Je me suis décidé fin août, après mes vacances à l'Île d'Yeu. Je n'aurais jamais pensé l'emporter ». La mission n'est pas forcément un cadeau : il lui faut « mettre d'accord des gens qui ne le sont pas forcément, 144 personnalités très enracinées et très indépendantes. Mais il y a plus mauvais diplomate que moi ».
Il en convient, la place est stratégiquement intéressante. « Il faut avoir des arbitrages sur tous les textes de loi, ça m'a donné une visibilité nationale ». Il revendique aussi une certaine indépendance vis-à-vis de sa famille politique. Fidèle de François Fillon, il ne fait pas partie de ceux qui courtisent Alain Juppé ou militent pour le retour de Nicolas Sarkozy. Preuve de son influence nouvelle, les trois étaient présents à la Baule début septembre pour lui apporter leur soutien.
Les élections régionales ne faisaient pas forcément du plan de carrière. « Certains sont venus me voir en me disant qu'avec moi on ferait l'union tout de suite ». Tout n'a pas été aussi simple, notamment chez les centristes du Maine-et-Loire où le Vendéen a fini par taper du poing sur la table. Son résultat dimanche, le meilleur de toute la droite hexagonale, le conforte dans son choix.
Reste une incertitude liée au non-cumul des mandats qui l'empêcherait dès 2017 d'être à la fois sénateur et président de région. Il balaye l'argument d'un revers de main et préfère parier sur un changement de la loi d'ici là.
Yves Tréca-Durand
Bio express
1960. Le 20 novembre, naissance à Cholet.
1977. Rencontre avec Philippe de Villiers, devient cavalier au Puy du Fou. Dirige la Cinéscénie et Radio Alouette.
1988. Elu conseiller général de Vendée.
1994. Suppléant de De Villiers, siège 3 ans à l'Assemblée nationale. Adhère au Mouvement Pour la France.
1998. Devient vice-président du Conseil régional derrière François Fillon.
2004. Défaite aux Régionales. Devient sénateur (MPF).
2010. Rupture avec Philippe de Villiers. Quitte le MPF et devient président du Conseil général de Vendée.
2014. Devient président du groupe UMP (devenu Les Républicains) au Sénat.