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Nantes. Intervention quai Wilson : le patron de la police livre son récit détaillé des faits

Thierry Palermo, directeur départemental adjoint à la sécurité publique de Loire-Atlantique, dirigeait le dispositif policier depuis la salle de commandement lors de la nuit de la fête de la musique. Dans un long entretien accordé à Presse Océan, il a tenu « à revenir sur les conditions d’intervention des policiers ce samedi matin », au cours de laquelle 14 jeunes ont chuté dans la Loire et un jeune homme de 24 ans est toujours porté disparu.

Thierry Palermo, directeur départemental adjoint à la sécurité publique de Loire-Atlantique.
Thierry Palermo, directeur départemental adjoint à la sécurité publique de Loire-Atlantique. | PHOTO PO-JJ
  • Thierry Palermo, directeur départemental adjoint à la sécurité publique de Loire-Atlantique.
    Thierry Palermo, directeur départemental adjoint à la sécurité publique de Loire-Atlantique. | PHOTO PO-JJ
  • Le quai Wilson, à Nantes.
    Le quai Wilson, à Nantes. | PHOTO PO-NATHALIE BOURREAU

Émotion

Thierry Palermo commence par dire toute notre émotion par rapport à cette disparition. J’ai tenu à recevoir ce mercredi la famille de ce jeune homme, le père, la mère, pour leur faire part des actions que nous accomplissons avec diligence et avec l’aide des pompiers et de moyens technologiques importants, explique-t-il. L’enquête sur la disparition suit son cours ».

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Clarification et récit des faits

L’objectif de sa prise de parole est de clarifier un certain nombre de points à la lumière de ce que l’on a entendu et de certaines déclarations qui ont été faites et qui, à mon sens, sont erronées.

Il se lance ensuite dans un long récit des faits. Nous avons mis en place une opération de sécurisation dans le cadre de la fête de la musique. Ce n’est rien de nouveau. Ça se fait tous les ans. L’objectif, c’est que les gens puissent faire la fête. Nous faisons appel à des policiers locaux dont la Compagnie départementale d’intervention (CDI), la Brigade anticriminalité (Bac) mais aussi à une Compagnie républicaine de sécurité (CRS), présente au cas où, parce qu’il peut toujours y avoir des débordements.

Il explique que dans la première partie de la nuit, au centre-ville, tout s’est bien passé. La deuxième partie, un peu plus compliquée à gérer, ce sont les teufeurs et les sound system, installés sur l’île de Nantes, plus précisément au niveau du quai Wilson. Nous avons eu deux réunions, en préfecture et en mairie, pour caler ces sound system. Il y avait forcément beaucoup de bruit et énormément de jeunes sur le quai. On a constaté une alcoolisation massive et qu’une grande majorité de jeunes était sous l’emprise de produits stupéfiants. Par exemple, un policier de terrain me disait avoir vu, alors qu’il patrouillait à pied, un jeune se faire deux rails de coke sur son téléphone. Notre objectif, c’est que tout se passe bien et que tout le monde puisse faire la fête jusqu’à 4 h du matin, qui est la tolérance et à partir de laquelle les sound system devaient prendre fin.

Thierry Palermo rappelle que l’ensemble des organisateurs était au courant. Bien évidemment, dans un objectif pédagogique, nos policiers et en l’occurrence les cadres ont pris la peine dès 21 h, 22 h, de passer individuellement auprès des DJ pour les prévenir de cette heure de fin. En soirée, tout se passe bien. Les policiers sur place sont bien accueillis. Il n’y a aucune difficulté. Ces policiers de la CDI et de la Bac n’ont pas de tenues d’intervention. On est bien dans une phase de sécurisation et non pas, comme vous avez pu le noter lors de manifestations, dans une phase de maintien de l’ordre où les policiers sont avec des casques, des protections d’épaules, des jambières, des boucliers. Ce n’était absolument pas l’objectif.

Un des cadres se rend sur place à 4 h du matin. Il fait le tour. Neuf DJ sur dix acceptent de se conformer à la règle des 4 heures et arrêtent leur sound system. Un seul rechigne. Le cadre, accompagné de trois autres personnes, se rend auprès de lui pour lui demander de mettre fin à cette musique. Il refuse. Puis, en insistant, il accepte. Il coupe la sono. Et lorsque le cadre fait demi-tour, il remet la sono. À partir de là, on a senti à la fois la déception des jeunes et puis un certain énervement. La tension est montée. Les policiers se sont regroupés auprès de leur véhicule. Il n’y a pas alors de volonté d’utiliser la force. La volonté, c’est de se regrouper, de voir venir…

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Nous nous situons sur le quai Wilson, sur la route. La Loire est à 50 mètres à peu près. Il y a entre les deux un bâtiment en dur avec un enrochement qui borde la route. Les effectifs se trouvent à cet endroit. C’est à ce moment-là, la tension montant et les policiers mettant leurs casques, qu’ils reçoivent des jets de projectiles : bouteilles, pierres, qui pleuvent sur les policiers qui sont pris à partie. Je rappelle que nous avons 20 policiers qui sont en sécurisation, qui n’ont comme équipement à ce moment-là, que le casque qu’ils mettent sur la tête. Évidemment, dans le feu de l’action, ils prendront d’autres protections. Vingt policiers, donc, et en face plusieurs centaines de jeunes très excités. On est dans une situation où légalement nous avons le droit de riposter comme on le fait d’ailleurs lors des manifestations. Il n’y a pas besoin de faire des sommations. Les policiers à ce moment-là ripostent avec du gaz lacrymogène. C’est la réplique naturelle pour se dégager et pour se préserver.

L’objectif est de tenir à distance les jeunes particulièrement excités qui jetaient des projectiles. Une personne est interpellée et à ce moment-là, un policier est roué de coups à terre. D’autres policiers sont blessés. En tout et pour tout, on comptera cinq policiers blessés. Celui qui a été fortement contusionné. D’autres qui ont reçu des pierres, sur les tibias notamment, et un autre touché au visage.

A aucun moment, il n’y a eu de charge de policiers avec pour objectif de repousser les jeunes en direction de la Loire, qui se trouve à une cinquantaine de mètres au plus près, insiste le patron des policiers. Et pour cause. Vingt policiers ne sont pas en capacité de produire une charge lorsque vous êtes victimes de jets de pierre. Une charge, c’est se mettre en ordre de bataille et se mettre tout d’un coup, de manière unanime à repousser les jeunes vers l’eau. C’est matériellement impossible.

Dans un deuxième temps, lorsque c’était très chaud, il a été appelé une demi-compagnie de CRS pour venir assister les 20 policiers. Lorsque les CRS sont arrivés, ils ont reçu aussi des projectiles, mais les faits se sont calmés.

A côté de ça, il y a les jeunes qui ont sauté à l’eau. Il faut savoir que bien avant les événements, on nous a signalé trois jeunes qui avaient sauté à l’eau. Je ne dirais pas qu’on a l’habitude, mais on a, à Nantes, lorsque l’alcool se mêle aux stupéfiants, par défi aussi souvent, des jeunes qui sautent à l’eau et prennent des risques inconsidérés. Trois d’entre eux ont été secourus. Il y avait les canots des pompiers et de la SNA qui étaient présents, car au regard de la configuration des lieux, un peu particu>>lière, il fallait mettre ce genre de dispositif.

L’IGPN sera chargée de déterminer le bilan, de vérifier s’il y a bien eu 14 jeunes à l’eau, s’il n’y en a pas qui ont été recomptés, s’il n’y a pas un autre chiffre ».

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Riposte légale

Nous avons affaire à une riposte qui s’inscrit dans le cadre de la loi, avec des gaz lacrymogènes et, à notre connaissance pour l’instant, un tir de Lanceur de balle de défense par rapport à une personne qui avait deux pierres dans les mains et voulait les jeter en direction des forces de l’ordre. Et probablement des grenades de désencerclement, mais ce sera le rôle de l’IGPN de déterminer les moyens utilisés et de quelle manière.

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L’enquête dira pour quelles raisons certains jeunes ont sauté à l’eau. Pour l’instant, je n’ai pas la réponse et rien ne permet d’établir le lien entre l’action de police qui est à 50 mètres de la Loire et le fait que des jeunes se sont retrouvés dans l’eau, sinon le gaz de nuage lacrymogène. Je rappelle que vu le positionnement par rapport à la petite maisonnette, il n’y avait aucun effet de nasse de ces jeunes. L’ensemble de ces jeunes pouvait tout à fait se diriger vers la grue grise et vers le quai des Antilles.

Commandement

Il y a un dispositif de terrain et, à la salle de commandement, soit le Directeur départemental de la sécurité publique, soit son adjoint. En l’occurrence, c’était moi qui étais au sein de cette salle de commandement. C’est une gare de triage. Les informations remontent et les instructions redescendent en direction des effectifs.

Sur le terrain, il y a des marges d’initiative. On n’est pas dans le cadre d’un maintien de l’ordre. Sur une manifestation, c’est très directif. Là, on est dans une opération de sécurisation. Sur le terrain, il y a des cadres qui prennent des décisions, qui en rendent compte et ensuite je valide ou pas. Mais il y a une marge d’initiative, heureusement.

Un « ordre aberrant », comme le dénonce SGP-FO ?

Je ne vais pas rentrer dans la polémique syndicale, fait valoir Thierry Palermo. Je vais simplement dire deux choses. Un, que le commissaire en question a mon total soutien. C’est quelqu’un qui est reconnu, apprécié. C’est un professionnel qui intervient à la fois sur tous les aspects partenariaux et de maintien de l’ordre.

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Deuxième chose, le service d’ordre était placé sous mon autorité et dans ces cas-là, le seul responsable de ce qui s’est passé, c’est celui qui est à la salle de commandement. En l’occurrence, le commissaire placé au centre d’information et de commandement. C’est-à-dire lui-même.

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